Entretien avec le Dr Simon Onsongo : un pas de plus vers l'élimination du paludisme grâce aux tests automatisés
Interlocuteur : Victorine Ngetich, Sysmex Afrique de l'Est
À propos du Dr Simon Onsongo : Le Dr Onsongo, médecin, travaille en tant que pathologiste consultant et chef pathologiste à l'Aga Khan Hospital de Kisumu au Kenya. L'Aga Khan Kisumu fait partie des Services de santé Aga Khan, l'une des trois principales agences du Réseau Aga Khan de développement (AKDN). Il est titulaire d’un diplôme de premier cycle (MBChB) de l'Université de Nairobi, d’une maîtrise en pathologie clinique de l'Université Aga Khan (AKU) et d’une maîtrise en gestion des soins de santé internationale de l'Université d'Essex. Il est l'auteur de plusieurs publications évaluées par ses pairs et a occupé divers rôles consultatifs au sein de comités hospitaliers, nationaux et internationaux. Il est passionné par le leadership, la qualité et la recherche clinique en biologie médicale, au Kenya, entre autres.
Dr Onsongo, pouvez-vous décrire brièvement votre situation au quotidien ainsi qu’au laboratoire ?
L'Aga Khan Hospital, Laboratoire de Kisumu, fait partie de l’Aga Khan Health Services (Services de santé Aga Khan). L’Aga Khan Health Services fournit des services de santé dans plus de 200 établissements en Afrique de l'Est, en Asie centrale/du Sud et au Moyen-Orient et ce, à plusieurs niveaux. Au Kenya, l'Aga Khan Hospital de Kisumu dessert les habitants de la région ouest du Kenya. Il est soutenu par 13 centres médicaux de proximité répartis à l'ouest du Kenya et organisés selon un modèle en étoile. Notre laboratoire fournit des services aux patients hospitalisés et en consultation, et notre hôpital principal, des services hospitaliers et ambulatoires. Nous réalisons également à la fois des analyses de laboratoire de routine pour nos patients ainsi qu'un support de diagnostic avancé couvrant à la fois les pathologies d’origine infectieuse ou non infectieuse. Nous procédons aussi à des tests de diagnostic du paludisme à l'aide de services de microscopie (technique QBC) et de tests antigéniques, en fonction des besoins de nos clients. En moyenne, nous recevons, chaque jour, entre 50 et 100 demandes de test de dépistage pour le paludisme, dans notre laboratoire principal.
Dans votre établissement, existe-t-il des difficultés spécifiques relatives au dépistage du paludisme qui, selon vous, devraient être traitées ?
À l'échelle mondiale, le paludisme est toujours considéré comme une pathologie majeure à l’origine du décès d’un grand nombre de personnes. En 2021, l'OMS a estimé qu'il y avait plus de 200 millions de cas entraînant plus de 600 000 décès, ce qui en fait une pathologie mortelle majeure. À l'échelle mondiale, l'Afrique paye le plus lourd tribut : plus de 95 % des cas de paludisme et plus de 96 % des décès étant enregistrés sur le continent africain, c'est donc vraiment un gros problème pour nous ici. Le paludisme touche principalement les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes.
Le paludisme est donc, vraiment, une maladie endémique dans notre milieu et la transmission se fait en continu, tout au long de l'année. Cependant, nous avons constaté une diminution du nombre de cas au cours des dernières années, en raison des diverses interventions de santé publique qui entourent cette maladie. Pendant très longtemps, la microscopie s’est imposée comme le pilier du diagnostic en matière de paludisme et je sais que sa maîtrise peut être un défi pour beaucoup. Des microscopistes bien formés et experts sont indispensables. Il faut des lames bien colorées pour pouvoir visualiser les parasites. Vous avez besoin d'électricité et d'autres fournitures faisant de la microscopie fiable et précise, un processus laborieux ; c'est pourquoi certaines personnes préfèrent vraiment l'utilisation de tests antigéniques, beaucoup plus faciles à utiliser dans leurs installations.
Vous mentionnez le dépistage du paludisme dans votre établissement, quel est à peu près le délai de réalisation des tests de dépistage dans votre laboratoire ?
Il nous faut une heure pour procéder à des tests de dépistage du paludisme et le service est disponible 24h/24 et 7j/7. Nous utilisons, dans la plupart des cas, la technique QBC, puis transmettons les résultats à nos médecins par voie électronique. Et pour ceux qui viennent de l'extérieur, nous leur remettons des rapports imprimés. Des tests antigéniques rapides sont également disponibles avec un délai d'exécution d'une heure.
Selon vous, qu'est-ce qui vous a incité à demander ou à acquérir le XN-31 à titre d’évaluation et peut-être éventuellement à l'adopter dans votre laboratoire ?
Nous procédons actuellement à l’évaluation de cet instrument. Mon intérêt pour cet appareil a été suscité par l'étude d'Afrique du Sud menée par Pillay et al., qui a montré une sensibilité et une spécificité à 100 % pour le XN-31, donc je tenais à suivre et à en savoir plus sur cet appareil qui peut être en mesure de résoudre nos problèmes de diagnostic du paludisme. C'est vraiment un grand pas en avant, si l'on considère le diagnostic standard, qui a commencé il y a 100 ans avec seulement la microscopie, et qui reste la référence absolue du domaine. Ainsi, entendre parler du XN-31 en tant que méthode automatisée de diagnostic du paludisme m'a vraiment enthousiasmé. C'est pourquoi j'ai contacté le fournisseur Sysmex local pour voir si nous pouvions vraiment évaluer et constater par nous-mêmes la réalité de cette sensibilité et de cette spécificité à 100 %. A ce jour, nous sommes toujours au cœur de l’évaluation. Je n'ai pas de résultats en termes de performances pour le moment, mais nous pourrons bientôt les partager, et je suis convaincu que les résultats seront fascinants.
Pourquoi pensez-vous qu'un analyseur tel que le XN-31 est crucial dans la lutte contre le paludisme ?
Avant 2010, la majorité de nos cliniciens utilisaient une approche thérapeutique reposant sur une suspicion de paludisme. En d’autres termes, si un patient présentait des symptômes, le médecin l’examinait et s'il avait de la fièvre et d'autres symptômes évocateurs du paludisme, il initiait un traitement. En 2010, l'OMS a donné la priorité au « tester et traiter » pour le diagnostic du paludisme. Cela implique que quelqu'un fasse un test de dépistage du paludisme, confirme la présence de parasites - c'est un diagnostic parasitologique - puis propose le traitement. Cette directive a vraiment mis la pression sur les laboratoires pour permettre l’accompagnement des patients avec un diagnostic parasitologique.
Le diagnostic et le traitement précoces du paludisme sont importants pour éviter les complications qui en résultent. À l'heure actuelle, la plupart des gens comptent sur la microscopie, la norme absolue, et savent que la microscopie a ses propres limites. Vous avez besoin de personnes compétentes bien formées, de lames bien colorées et de microscopes fonctionnels. L'adoption des tests antigéniques rapides est en augmentation. Bien que les tests antigéniques soient faciles à utiliser, ils présentent également leurs propres limites. Ils ont une sensibilité plus faible, en particulier chez les patients à faible parasitémie. Les tests antigéniques n'offrent que des résultats qualitatifs et, dans certains cas, ils restent positifs pendant une période prolongée, allant parfois jusqu'à un mois après le traitement. Cela réduit leur utilité dans le suivi.
Et c'est pourquoi avoir une machine comme XN-31 nous confère vraiment beaucoup d'avantages. L'automatisation libère du temps pour les techniciens de laboratoire et réduit le délai de réalisation des tests de dépistage du paludisme. Le XN-31 n’a besoin que d’une minute par test environ pour délivrer des résultats. Il fournit des résultats quantitatifs, en termes de nombre de globules rouges infectés et peut aider à définir l’espèce dans certains cas, notamment ceux à P. falciparum. En d’autres termes, le XN-31 porte le diagnostic du paludisme à un niveau encore inconnu à ce jour et c'est vraiment quelque chose que la communauté attend avec impatience en termes de lutte contre le paludisme.
Et vraiment, le diagnostic est un pilier central dans ce combat mondial. En traitant, vous empêchez également la transmission. Ainsi, XN-31 coche vraiment de nombreuses cases pour un test de diagnostic idéal du paludisme en raison des diverses arguments que j'ai mentionnées précédemment. Les informations supplémentaires que vous obtenez des analyses XN-31 sont également très intéressantes. Vous obtenez l’analyse de la numération érythrocytaire (CBC), qui pourra aider le clinicien à prendre des décisions. Par exemple, s'ils ont un patient avec un faible taux de plaquettes, ils peuvent en prendre note et le gérer. Si le patient a une faible HB (hémoglobine), une transfusion peut être nécessaire. Ces informations supplémentaires en une seule exécution, en un seul test en font vraiment un test idéal pour nous. J'espère donc que l'évaluation sera couronnée de succès et que nous pourrons la déployer à plus grande échelle dans le monde entier.
La limite de détection du XN-31 apporte-t ’elle de la valeur à votre laboratoire et à vos patients ?
Oui, la limite de détection est importante. Par exemple, si vous regardez les performances des tests antigéniques, la limite de détection n'est pas bonne à de faibles niveaux de parasitémie. Ainsi, la sensibilité est mauvaise pour tout patient atteint de paludisme avec une parasitémie inférieure à 200 parasites par microlitre. La microscopie peut détecter un nombre de parasites inférieur à celui des kits d'antigènes, mais doit être effectuée par des microscopistes très compétents. À cet égard, la limite de 20 parasites par microlitre rapportée par le XN-31 semble très prometteuse. Ces niveaux de détection inférieurs rivalisent presque avec la PCR, méthode de référence en termes de sensibilité.
Selon vous, quels impacts la pandémie de COVID-19 a-t-elle eu sur la lutte contre le paludisme ?
Le COVID-19 a changé nos vies à bien des égards. Je pense que les deux dernières années ont été difficiles avec les systèmes de santé publique qui ont été touchés. L'accès aux soins de santé a été vraiment impacté par le COVID-19. De nombreuses interventions de santé publique telles que la chimioprévention du paludisme, la distribution de moustiquaires imprégnées d'insecticide longue durée, la vaccination et les visites de patients dans les hôpitaux ont été affectées. Ainsi, de cette façon, le COVID-19 a vraiment limité les interventions dans l'espace de santé publique.
Par ailleurs, l'attention a été déportée du paludisme vers le COVID-19. Ainsi, même les entreprises qui fabriquaient des tests de diagnostic rapide pour le paludisme se sont tournées vers la production de test anti-COVID-19 pour soutenir la réponse à la pandémie. En termes de ressources, le système de santé s'est vraiment concentré sur le COVID-19 et à juste titre. Selon les estimations de l'OMS, en 2021, près de 47 000 décès sont imputables à ce seul changement. Avec le recul du COVID-19, nous espérons que les efforts pourront revenir sur le paludisme, je l’espère du moins. Nous pourrons remettre en œuvre les différentes interventions de santé publique qui étaient là, non seulement pour le paludisme, mais aussi pour d'autres priorités importantes de santé publique.
La résistance aux antimicrobiens (RAM) couvre la résistance aux médicaments antipaludéens. De votre point de vue, pensez-vous que l'utilisation du XN-31 aura un impact sur la réduction de la RAM contre les antipaludéens ?
Je pense en effet. Avec un diagnostic rapide, vous pouvez commencer rapidement un traitement ciblé, en d’autres termes vous brisez le cycle de transmission du paludisme. L'utilisation des antipaludéens sera plus ciblée afin que les personnes non malades ne reçoivent pas d'antipaludéens et que leur administration ne soit réservée que lorsqu'ils sont indiqués car cette résistance est un réel fardeau. Une utilisation appropriée et efficace des antipaludéens est importante pour pouvoir préserver leur efficacité et disposer d'une méthode de diagnostic précise, sensible et spécifique qui renforce réellement la lutte contre la RAM pour les antipaludéens.
Comment le dépistage du paludisme avec l'analyseur XN-31 répond-il à vos buts et objectifs organisationnels ?
L'Aga Khan Kisumu est en passe de devenir un centre d'excellence pour les maladies infectieuses dans la région. Notre rêve est d'être le centre d'excellence incontournable en matière de divers types de maladies infectieuses. Nous avons commencé à faire des investissements stratégiques et à établir des partenariats avec les bons partenaires alors que nous progressons vers notre objectif.
Travailler avec Sysmex et pouvoir travailler avec XN-31 fait vraiment partie de notre programme en matière d’excellence diagnostique. Il apporte une véritable plus-value à nos services et à nos valeurs fondamentales de fournir les meilleurs services dans le domaine des maladies infectieuses. Nous sommes vraiment très fiers de notre partenariat avec Sysmex et d'être la première institution au Kenya à pouvoir mettre la main sur le XN-31, et jusqu'à présent, cela semble prometteur, et j'attends avec impatience de meilleurs et plus grands partenariats concernant, entre autres, le paludisme.
Voudriez-vous ajouter autre chose ?
J'ai une citation du directeur de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, que je voulais partager. « Le paludisme frappe l'humanité depuis des millénaires. Nous avons maintenant les outils et la stratégie pour sauver de nombreuses vies - et avec ces nouveaux outils, pour commencer à rêver d'un monde sans paludisme. » Je trouve ceci pertinent parce que le paludisme est avec nous depuis de très nombreux siècles et le fait d'avoir ces outils maintenant, nous offrira, espérons-le, un avenir sans paludisme.